@Quiberon

Un vaisseau dans la tourmente...

vendredi 28 novembre 2008 par Patrick LUCO

La presse locale rapporte les états d’âme des responsables chargés du tourisme à Quiberon. Ce n’est pas dans ses habitudes, la situation doit devenir sérieuse. Il était temps !
C’est presque trop tard. La machine s’est enrayée. Les temps changent, la société aussi, mais pas les édiles qui ne suivent plus l’évolution de leur commune.

J’entends dire que c’est la faute de la responsable de l’office du tourisme : C’est trop facile !

On s’en prend au messager qui apporte la mauvaise nouvelle. Il parait très injuste de faire porter le chapeau à cette dame honnête et consciencieuse. Elle a fait ce qu’il était possible avec un budget minable.

Si Quiberon est dans une situation aussi délicate, c’est comme le disait Flaubert « la faute à la fatalité ». L’engouement pour les destinations lointaines pour les vacances est une cause, mais c’est surtout le naufrage d’une équipe et d’une méthode de gestion municipale.

L’équipe municipale actuelle de Quiberon n’est pas à la hauteur.

Je leur porte une estime certaine, mais c’est un constat évident : Les conseillers municipaux sont là pour représenter les Quiberonnais et ils le font très bien...
Les adjoints, par contre, ne sont pas vraiment formés pour ce qu’ils ont à faire, et se retrouvent à gérer une commune ayant les infrastructures d’une ville de 50 000 habitants avec un état d’esprit certes honorable mais qui reste plus proche du bénévolat caritatif que de l’action publique. Ils font ce qu’ils peuvent.

Ceux qui tiennent les rênes de la commune sont des fonctionnaires, issus pour la plupart de l’Education nationale et donc par essence très peu familiers des problématiques commerciales.

Je ne fais pas ici l’apologie d’une certaine technocratie mais il ne faut alors pas s’étonner que la commune soit en train de s’encastrer dans un mur de stagnation.

C’est ce qui arrive lorsqu’on est incapable de s’adapter et qu’on se contente d’être des gestionnaires au lieu d’être des entrepreneurs. Leonid Brejnev voulait lui aussi tenir les choses telles qu’elles étaient et ne pas réagir face aux évolutions. On connait le résultat.

Un article publié sur ce blog en juin dernier donnait quelques grandes lignes pour le futur de Quiberon. J’aimerais ici détailler deux points qui me paraissent les plus problématiques.

L’urbanisme est le point le plus préoccupant. Quiberon n’est plus une belle ville et pourtant, un peu d’ambition pourrait peut être rattraper - et encore ?- certaines choses et sauver ce qui peut encore l’être.

Les enjeux environnementaux sont complètement oubliés et depuis quelques années, avec le lotissement des jardins privés auquel on assiste, le tissu urbain s’est considérablement resserré. Ce n’est pas beau pour l’œil et c’est mauvais pour la nature (1). Il serait peut être utile de réfléchir à un blocage du plan d’occupation des sols en interdisant la construction de bâtiments sur des terrains de moins de 800 m² (2) et en établissant un moratoire sur la construction de collectifs, sur le modèle de ce qui se fait dans certaines communes du sud de la France. La densification galopante du tissu urbain serait ainsi ralentie.

Le cahier des charges qui détermine l’aspect des constructions est périmé et laisse la latitude nécessaire à la construction d’horreurs architecturales avec la bénédiction d’un service des permis de construire dont on peut se demander si il ne souffre pas de cécité ou si il n’est pas dirigé par une vaste famille d’autruches, prompte à éluder toute difficulté avec les promoteurs et autres lotisseurs. Il suffit de voir ce qui se fait à Belle Ile en matière de cahier des charges urbains.

Une réflexion locale devrait enfin être menée sur l’avenir de constructions comme Kerabus, certains immeubles du boulevard et d’autres situés rue de Saint Clément ou à Port Haliguen afin de savoir si il ne conviendrait pas de faire table rase ou de réhabiliter un minimum les dégâts architecturaux des années 1970.

L’autre point qui me parait faire défaut est bien entendu la communication autour de la marque Quiberon. Le constat est simple. Il y a très peu d’argent de consacré à cela : le fait que la responsable de l’Office n’ait même pas eu les crédits nécessaires à l’édition d’une simple plaquette le prouve.

Les méthodes datent des années 1960, une époque où il n’y avait pas de réelle raison de communiquer. Peut être faudrait-il innover et au lieu d’un office du tourisme émanant totalement de nos bien aimés édiles, former un GIE où, outre les dit bien aimés édiles, on pourrait faire rentrer les forces vives (hôteliers, commerçants, « figures locales ») de la ville qui j’en suis persuadé, seraient ravies de pouvoir donner un avis directement corrélé à « l’économie réelle » pour reprendre une expression à la mode.
Il est nécessaire de repenser la cible et les infrastructures touristiques locales (3).
Une campagne de pub agressive, élaborée par des agences ad hoc et diffusée dans les médias (journaux de loisirs, salons du tourisme, etc.) pourrait être intéressante.

Après tout, dans un contexte de crise économique, nos « clients » vont arrêter d’aller bronzer aux Seychelles ou de se faire trucider par des islamistes même si ils prennent de plus en plus leurs vacances en pointillé (4).
Peut être que les charmes de la presqu’ile pourraient alors se révéler intéressants (et moins couteux). Tout particulièrement si on adjoint un « pack » avec trajet+hébergement.
Le plus urgent serait, à mon avis, de faire procéder à un audit indépendant desinfrastructures touristiques locales, de l’adéquation des animations proposées avec la clientèle ciblée, etc. Il existe des cabinets spécialisés dans ce domaine.

Il serait également peut être temps de repenser quelques grands problèmes de fond, éludés, reportés ou oubliés depuis 1995.
La récente affaire des boues portuaires toxiques qui pourraient être déversées en Baie de Quiberon montre bien que les municipalités de la Baie ne maitrisent plus la gestion de certaines infrastructures et tout particulièrement les infrastructures portuaires.

Port Haliguen a été sacrifié au profit de la Trinité sur Mer par son concessionnaire. Cette dernière accueille les régates, Quiberon des bateaux qui ne sortent que 15 jours par an ce qui n’est pas sans incidence sur la couverture médiatique du site.
Le contrat conclu en 1967 n’est de toute manière respecté que de façon incomplète (5).

Ce lamentable épisode des vases (et celui de la sablière de Lafarge), sans doute loin d’être terminé, semble n’émouvoir que peu de monde rue de Verdun. C’est pourtant le tourisme, la pêche et la conchyliculture qui sont directement menacés. Et je ne parle pas des nouveaux serpents de mer locaux, à savoir l’installation de parcs éoliens autour de la presqu’ile.
La crise financière semble fort heureusement avoir réduit les financements de ce genre de projets délirants.
Je n’insiste pas sur les problèmes liés aux concessions de camping, dénoncés lors d’un récent rapport de la Cour régionale des comptes.

Il y a aussi la question de l’animation culturelle de la ville. Une notre très positive se profile avec la montée en puissance du festival « Eurocoeurs » qui commence à faire parler de lui. Seul problème : c’est le seul évènement d’envergure qui ne soit pas organisé par la mairie qui préfère les « petits papas Noel » passés en boucle rue de Verdun.

Le dernier point noir dont souffre la ville est la circulation. Il m’est arrivé de mettre 1h15 pour faire la distance Port-Haliguen-Kerhostin. J’avoue songer à m’acheter un vélo électrique de bobo parisien pour pouvoir circuler plus facilement.
L’avenir de Quiberon, c’est à mon sens le train. Les Sables d’Olonne, Saint Malo, le Croisic et surtout La Baule sont directement reliés à Paris par TGV. Pour Quiberon, il faut s’arrêter à Auray (6), trouver un moyen de faire 28 km, emprunter la jolie rue du général de Gaulle sans faire demi tour (on pourrait se croire arrivé à Lanester par exemple…) et parvenir finalement dans une ville presque entièrement fermée (avez-vous remarqué la floraison inquiétante des « à vendre », « à louer » sur les devantures des magasins ?).

Par chance, la voie de chemin de fer n’a pas été démontée. N’en déplaise aux ayatollahs des ralentisseurs, ronds-points et autres aficionados de l’aménagement routier, la voie Auray Quiberon a un avenir et peut être qu’un jour, on pourra y voir des TGV.
J’espère que notre maire et ses collègues du pays d’Auray sauront faire obstacle aux pressions visant à élargir la route Quiberon-Saint Pierre voir Quiberon-Auray. Ce serait couper la presqu’île en deux et entrainer une pollution automobile accrue. A ceux qui sont dubitatifs, je suggère un petit voyage d’étude dans une autre presqu’ile, certes bien plus grande, dont les dirigeants ont succombé aux charmes bruyants des quatre voies, à savoir Cape Cod. Ce n’est vraiment pas beau la plage avec vue sur le macadam…

L’agitation faite autour de la baisse de la fréquentation de Quiberon montre d’une part que l’ère du "Nous on est élu ! On fait ce qu’on veut !" que j’ai entendu il y a quelques années est révolue et que d’autre part, une réflexion va peut être se mettre en place.
Reste à savoir si la réaction sera vraiment efficace ou si ce n’est qu’un énième pétard mouillé.

La presqu’ile est parvenue à une étape stratégique de son développement et va devoir mener une réflexion associant urbanisme/environnement, repositionnement touristique, emplois et maintien des autochtones. Par sur que nous y parvenions facilement.

(1) Avec l’imperméabilisation des surfaces et la réduction drastique des espaces verts

(2) Je dis 800 m² car cette superficie correspond peu ou prou à celle des « 3 sillons » que les partages successoraux d’antan essayaient d’attribuer à chaque ayant-droit.

(3) Il y a de moins en moins d’hôtels à Quiberon et malgré l’ouverture d’un excellent restaurant rue de Port Maria, la tendance est davantage à la réduction.

(4) C’est facile : comment peut-on remplir en 2008 des termes rédigés quarante ans plus tôt ? Impossible !. La brèche est donc relativement ouverte à uneannulation ou a un compromis laissant plus d’influence à la ville de Quiberon. Reste que la municipalité de Quiberon n’a sans doute pas le champ d’action politique suffisant ni la volonté nécessaire pour pouvoir gérer un clash avec la majorité au Conseil Général. J’estime cependant qu’il faudra y venir quitte à tailler dans le vif et sans hésitation. Ca a trop duré et cela nous coute trop cher. 1 million d’euros par an qui nous échappent avec seulement une poignée de figues en retour...

(5) Je ne m’attarde pas sur les rumeurs récurrentes de réduction des arrêts de TGV à la gare d’Auray, projet à l’étude depuis plusieurs années, et je me borne juste à signaler qu’il paraitrait que le prix des garages situés autour de la gare d’Auray serait en chute libre. Si ce projet se concrétisait, ce serait une catastrophe.

(6) Personne ne semble avoir sérieusement pris en compte l’impact sur notre économie locale de la réduction progressive des grandes vacances d’été et l’essor des petits séjours depuis la mise en place des RTT.


forum

Accueil | Contact | Plan du site | | Statistiques du site | Visiteurs : 1730 / 364749

Suivre la vie du site fr  Suivre la vie du site Faits et arguments   ?

Site réalisé avec SPIP 3.0.15 + AHUNTSIC

Creative Commons License